samedi 14 janvier 2012

Le déficit démocratique, cause de la crise de l’euro

La crise de l’euro est d’abord une crise de gouvernance, et la crise de gouvernance est d’abord la conséquence d’un grave déficit démocratique.

Crise de gouvernance : pourquoi l’euro aggrave les crises
Lorsque différents pays adoptent une monnaie commune, ils perdent un outil important de stabilisation économique : leur politique monétaire nationale. Ces politiques monétaires nationales sont remplacées par une politique monétaire unique qui risque de ne pas convenir simultanément à tous les pays de la zone monétaire. Etant trop restrictive pour les uns, elle y renforce la crise. Etant trop expansive pour les autres, elle y conduit à une surchauffe qui peut provoquer la prochaine crise. Ainsi, la politique monétaire commune qui était trop expansive pour l’Espagne a contribué à la bulle immobilière dont l’explosion a provoqué la crise espagnole.

Ce problème devient particulièrement aigu si un choc économique important touche certains pays et pas d’autres (on parle d’un choc asymétrique). Pour qu’une monnaie unique puisse fonctionner, il faut que les pays qui l’adoptent aient les caractéristiques suivantes (je présente ici une vulgarisation de la théorie de la zone monétaire optimale) :
·      Homogénéité
Si ces pays sont suffisamment similaires, ils seront tous touchés de la même façon par les chocs (absence de choc asymétrique). Une politique monétaire commune permettra alors de stabiliser simultanément les économies de tous les pays membres. Mais l’Allemagne et la Grèce ne sont pas du tout similaires d’un point de vue économique.

·       Flexibilité
Un pays qui n’a plus de monnaie nationale ne peut plus laisser son taux de change se déprécier. Une grande flexibilité des prix et des salaires permet partiellement d’obtenir les mêmes effets. Ce n’est toutefois que partiel, car n’ayant plus de monnaie nationale, le pays ne peut plus s’endetter dans sa propre monnaie, et le poids de l’endettement libellé dans la monnaie unique s’alourdit quand les revenus baissent. De plus, même si la dette était indexée sur les prix, il resterait très difficile d’obtenir une flexibilité des prix et des salaires telle que la flexibilité des taux de change puissent être répliquée. Finalement, même si l’on parvenait ainsi à répliquer la flexibilité des taux de change, cela ne permettrait pas de répliquer l’effet d’une politique monétaire autonome, car le taux de change n’est que l’un des canaux par lesquels la politique monétaire peut stabiliser l’économie. La flexibilité des prix et des salaires ne permettrait donc pas d’éviter que la crise provoque du chômage. D’où l’importance de la mobilité internationale des travailleurs : ce chômage augmente moins dans le pays touché par la crise si les travailleurs vont se faire embaucher à l’étranger. Dans la zone euro, les salaires sont toutefois relativement rigides, et la mobilité des travailleurs est limitée notamment par les différences linguistiques.

·       Solidarité
L’impact d’un choc asymétrique peut être amoindri si les pays qui ne sont pas en crise aident financièrement les pays touchés. La construction de la zone euro excluait explicitement ces transferts (clause de « no bailout »). Lorsqu’une monnaie correspond à un pays plutôt qu’à un ensemble de pays, des mécanismes automatiques de transfert sont mis en place (notamment via une assurance chômage commune). Ceci implique aussi une perte d’autonomie budgétaire des pays membres pour éviter que certains pays choisissent de vivre aux dépens des autres pays. Ainsi, on voit mal qu’un pays finance durablement les caisses d’un autre pays où l’on prend la retraite plus tôt.  

La zone euro n’est pas adaptée pour avoir une monnaie unique. Elle aggrave les crises en empêchant chaque pays membre de stabiliser son économie. En plus, elle ne prévoyait pas de dispositif pour gérer ces crises. C’est pourquoi la gestion de la crise a été improvisée. On peut certes réformer la zone euro. Mais il y a plusieurs façons de le faire. Les dirigeants tentent d’en choisir une en contournant les traités, souvent au mépris des parlements nationaux, et toujours au mépris du peuple.

Déficit démocratique
Pourquoi la zone euro a-t-elle été aussi mal conçue ? C’était une stratégie visant à placer les parlements nationaux devant le fait accompli. Comme les parlements n’étaient pas disposés à accepter la perte de souveraineté nationale qu’implique une union monétaire, il a été décidé de faire la moitié du chemin, avec l’idée que lorsque la crise frapperait la zone euro au milieu de la rivière, on dira qu’il n’y a pas le choix : il faudra faire le reste du chemin. La mauvaise gouvernance, cause de la crise de l’euro, a donc elle-même été causée par le déficit démocratique.

Le peuple doit prendre les manettes
En démocratie, c’est le peuple qui a le pouvoir. Comme il n’a pas le temps de s’occuper des affaires publiques quotidiennes, il délègue des compétences à des représentants. Mais sur une question aussi importante que les transferts de souveraineté dans le cadre d’une union monétaire, le peuple devrait obligatoirement être consulté. Lui seul a la légitimité pour décider sur un point aussi important. A cette question fondamentale de légitimité s’ajoute aujourd’hui encore un autre élément : en maltraitant les traités, les élus et les eurocrates ont perdu toute crédibilité. Seuls les peuples d’Europe peuvent donner une crédibilité à de nouveaux traités.

Il faut que les pays d’Europe deviennent de véritables démocraties. La priorité est d’introduire dans chaque pays un droit de référendum et d’initiative au niveau constitutionnel. La situation est actuellement relativement propice en France où il faut tirer parti des prochaines élections. Diffusez la revendication : « le peuple, et uniquement le peuple, doit pouvoir modifier la Constitution » que vous trouverez ici. Voir ici pour une argumentation plus détaillée.

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